"Apprendre à se côtoyer"

se cotoyer
« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »
 
Nelson Mandela
 
 
« Je partage la même adresse qu’elle sans jamais la côtoyer (…) Je n’y trouve aucun intérêt, mon seul plaisir, m’occuper des autres, aimer et protéger les miens de mon mieux ».
 
Ma patiente me parlait de ce rapport distancié, de méfiance qu’elle entretenait avec elle-même. Elle m’expliquait que ce qui donnait sens à sa vie, et ce jusqu’au sacrifice, était uniquement le soin qu’elle accordait à sa famille, ses proches, ceux qu’elle accompagnait dans son travail d’éducatrice. Elle ne savait faire que cela et ne voyait pas une autre manière de vivre.
 
L’idée de prendre soin d’elle, de questionner ses besoins profonds et de s’arrêter pour s’écouter lui paraissait insensée. Pourtant son corps l’implorait, par mille et une alarmes.
 
Lorsque je lui expliquais le devoir d’engagement que l’on a envers soi, qu’il n’y a pas de choix à faire entre soi et autrui, elle ne comprenait pas ce que l’on pouvait gagner à prendre le temps d’aller se retrouver en silence, elle en était terrorisée « Si je devais vraiment y aller, aller passer du temps avec moi-même, je réalise combien cette idée me terrorise comme si un danger me guettait. »
 
Elle avait grandit ainsi, coupée de la partie intime d’elle-même, comment se regarder sans baisser le regard, sans être mal à l’aise.
 
Alors je l’ai vu, apprendre pas à pas à relever la tête, à s’affirmer, à ne plus s’excuser et à y prendre plaisir, à dire « non, là je ne suis pas disponible », à s’étreindre en douceur, avec délicatesse. Je l’ai vu apprendre à se « câliner intérieurement » comme on rêverait que quelqu’un puisse le faire à notre place. Elle n’attendait plus que quelqu’un la sauve d’elle-même, elle s’y était mise seule, elle s’offrait cette nouvelle liberté. Délicieuse et puissante.
 
C’est comme naître une nouvelle fois, assister à sa propre venue au monde.
 
Créer en soi ce pont permettant les rencontres intérieures, ces rendez-vous auxquels nous arrivons bien souvent en retard, retenus par nos agendas encombrés. Mais cet « autre » qui attend en nous, d’une infinie patience, n’est pas dans le reproche, il est comme les petits enfants, il profite de l’instant et fait la fête à notre présence.
 
Et alors nos corps n’ont plus lieu d’être en position de « feux de détresse ».
 
P.S/ Je profite pour remercier chacun de mes patients pour leur confiance, pour ce qu’ils me permettent de comprendre au-delà de toutes connaissances théoriques, je suis grâce à vous aussi, la professionnelle que vous connaissez, je grandis à chaque instant de nos échanges et les chemins parcourus ensemble me donnent à voir combien nous sommes des êtres radieux dans nos nuances et subtilités individuelles.
Je sais que vous êtes nombreux à vouloir mettre des commentaires, je suis soucieuse de maintenir une certaine discrétion par rapport à vos noms, vous pouvez donc m’écrire en messages privés chat (rubrique « M’écrire » du blog) ou par mail. Si vous souhaitez écrire et partager, vous êtes les bienvenus.
 
 
Alexandra Legendri-Fauron
5 octobre 2018.