"Des émotions invitées"
Ecriture et partage d’une patiente.
« Ce petit texte m’a fait tellement de bien lorsque je l’ai écrit, qu’il me fallait le partager avec vous. »
Ninon
» – Toc, toc, toc
– Qui est la ?
– C’est Angoisse, ouvres-moi. Je viens t’empêcher de dormir, mettre plein d’encombres dans ta tête, des « si », des « pourquoi », des « comment ». J’ai aussi dans mon bagage plein de découragements et un panier plein de pensées négatives. Ton cœur va battre si vite que tu en auras le souffle coupé. Dis au revoir à ton sommeil et à ta paix.
– Bonjour Angoisse. Avant lorsque tu te présentais à ma porte je fermais ma maison en panique. Je m’écriais : c’est toi encore ? Alors je luttais toute le nuit et tu finissais toujours par entrer avec fracas comme un éléphant dans un trou de souris. Mais aujourd’hui Angoisse je te dis bienvenue ! Entre chez moi je vais te faire une bonne tisane bien chaude. Toi que tout le monde rejette. Au fond tu es peut-être quelqu’un de bien.
J’ai pris Angoisse dans mes bras, je l’ai rassuré, lui ai dit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Tout fini toujours par s’arranger. Alors elle s’est apaisée puis s’est endormie.
– Toc, toc, toc
– Qui est la ?
– C’est Tristesse, ouvres-moi ! Je viens t’empêcher d’être heureuse. Je viens remplir tes yeux de larmes, serrer ton cœur à en vomir, étreindre ta gorge à ne plus savoir parler, inverser la courbe de ta bouche qui souris. Au son de ma voix du désespoir je saurais baisser tes yeux sur l’horizon pour réduire ta vision de l’avenir.
– Bonjour Tristesse. Avant lorsque tu te présentais à ma porte je l’ouvrais grand pour t’insulter sourdement : faible, mauviette, incapable, tu ne mérites que ça, va-t’en ! Et alors que je t’insultais, tu étais déjà rentrée chez moi. Aujourd’hui j’ouvre grand ma maison pour toi. Entre te chauffer au bois de mon cœur, viens dans mes bras, pleure un bon coup, laisse-toi aller, bercer, aimer par moi.
Et dans une sincère étreinte Tristesse s’est apaisée, m’as regardé et a souri.
– Toc, toc, toc
– Qui est la ?
– Ouvre ! C’est colère ! Je viens saccager ta paix intérieure et mettre le désordre. J’ai le pouvoir pour te contrôler. Avec moi ton visage rougira, tes muscles seront tendus, tes poings serrés, tes sourcils froncés. Aucun appel extérieur ne parviendra à te calmer. Et si tu me laisses tout contrôler tu connaitras la violence des poings et des mots.
– Bonjour Colère lui répondis-je avec douceur. Avant en effet tu avais sur moi ce pouvoir. Je luttais contre toi mais tu étais bien plus fort. A te résister jusqu’à plus force tu finissais toujours par gagner. Aujourd’hui je te dis bienvenue, entres chez moi, respire un bon coup et écoute moi. Je sais que tu es une vrai guerrière et que j’ai besoin de toi pour vaincre le bon combat. Mais calme tes ardeurs dit moi ce qui te fait mal. Est-ce cette parole et ce comportement injurieux qui ont piqué ton égo et perturber tes plans ? Tu sais, tu vaux beaucoup plus que tout cela. Ne perds pas l’estime de toi parce qu’un alter en aurais décider autrement.
Colère s’est assise, elle a calmé son souffle et détendu les traits de son visage. Alors il a fermé les yeux et tout est devenu paisible.
J’ai invité chez moi les émotions. Lutter contre eux était peine perdue d’avance. Je les ai alors accueillies et écoutées. J’en ai fait mes amis. Au travers d’eux j’ai beaucoup appris : ce qui a créé en moi tant de douleur, la hauteur de mon égo, la violence envers moi-même, les peurs profondes (l’abandon, l’humiliation, le rejet…), j’ai compris qu’il faut savoir s’offrir ce que l’on attend de l’autre et de la vie.
En apprenant à devenir son meilleur ami et en étant à l’écoute de nos émotions, symptômes d’une âme blessée, nous faisons de notre maison le dispensaire de notre propre guérison.
Et comme un sage a dit il y a fort bien longtemps : Cela aussi passera. »
14 juillet 2018