"Je vous propose d'inverser notre regard..."

psychologue deuil
« Peu importe la durée de ma vie pourvu que je meure en poète. »
 
François Cheng
 
François Cheng, poète français d’origine chinoise, propose d’ «inverser notre regard: au lieu de dévisager la mort à partir de ce côté-ci de la vie, nous pourrions envisager la vie à partir de notre mort conçue non comme une fin absurde mais comme le fruit de notre être» afin de sortir de l’absurdité de l’attente de la mort.
 
Il explique que c’est bien l’existence de la mort qui confère sens et valeur à la vie, sens unique d’une vie en devenir faite de continuels dépassements et de besoin de transcendance. Elle nous pousse à nous réaliser pour donner un ancrage à notre existence.
 
Pour lui, toutes nos passions d’engagement, d’amour ou mystiques sont inspirées par la mort. Elle est comme le fruit de la vie où douleurs et douceurs sont entrelacées, souffrances et joies intiment liées puisque le fruit porte l’essence et la graine.
 
S’ouvrir à la beauté et aux malheurs du monde, il faut tenir ces deux bouts pour trouver la « vie ouverte », passer par des errances et des blessures pour goûter la meilleure part. Transformer nos blessures en ouvertures.
 
Il nous faut apprendre à faire tenir en ensemble des opposés constants. La vie et la mort, jumelles enlacées, font partie des méditations que propose le poète. «La mort n’étant que la cessation d’un certain état de la vie, elle n’existerait pas si n’existait la vie.»
 
François Cheng dit faire «partie de ceux qui se situent résolument dans l’ordre de la vie». «Je suis venu de ce que jadis on appelait le tiers-monde. Nous formions alors la tribu des damnés, des éternels crève-corps, crève-cœur, porteurs de souffrances et de deuils, si mal gâtés que la moindre miette de vie était reçue par nous comme un don inespéré.»
 
« Les arbres de l’infinie douleur,
Les nuages de l’infinie joie,
Se donnent parfois signe vie,
A la lisière du vaste été.
 
Les alouettes passent à travers
Sans rien saisir de leurs paroles,
Une source les retiendra seule
Pour donner à boire aux morts. »
 
Cinq méditations sur la mort: autrement dit sur la vie, François Cheng, Editions Albin Michel, 2017
 
Alexandra Legendri-Fauron
26 juillet 2018.