"Mon burn out s'appelle..."

psychologue burn out
Ecriture d’une patiente qui nous livre son expérience du burn-out.
 
« Lorsque j’étais en formation d’éducatrice spécialisée, on nous a programmé un module sur les risques liés à nos métiers, en particulier l’épuisement professionnel ou burnout. C’était la première fois que j’entendais ces termes. Pour la petite histoire, burnout existe depuis les années 1970 et a été créé pour les professionnels de l’aide : infirmiers, médecins, travailleurs sociaux… .
Je ne me suis pas sentie du tout concernée, car je pensais que j’aurais été en capacité d’identifier les signes avant-coureurs et de réagir à temps. Mais ça, c’était juste en pensée…
 
Presque 5 ans plus tard, me voilà dans la salle d’attente de mon médecin à me demander comment j’en suis arrivée là.
Depuis que j’ai eu mon diplôme, je ne cesse de vanter les mérites du métier que j’exerce : la richesse du champs d’intervention, la rencontre de l’Autre, les choses que l’on apprend sans cesse sur la vie, sur les gens, sur soi-même… Les difficultés, elles existent, mais elles sont tellement minimes face aux bénéfices !
Oui, mon métier est formidable. Oui, il peut être une source d’épanouissement professionnel et personnel. Oui, je l’aime et ne souhaite pas en changer.
Cependant, si le métier me plaît, les conditions dans lesquelles je l’exerce, c’est autre chose. Les relations pas toujours faciles au travail, la pression de toujours faire au mieux avec peu de moyens, les frustrations de ne pas pouvoir donner le maximum de soi-même… Toutes ces petites choses qui se sont accumulées ont fait qu’un jour, je me suis réveillée en me posant une question : pourquoi je fais ça ?
Et l’absence de réponse m’a fait sombrer dans une grande mélancolie. Vide de sens, voilà comment je vis ma pratique aujourd’hui. Si je ne suis pas capable de dire pourquoi je continue, alors à quoi bon continuer ? Et pourtant, j’aime mon métier. Et pourtant, j’aime mon équipe. Et pourtant, je prends plaisir à accompagner des personnes.
 
Alors c’est quoi mon problème ? Mon problème c’est que je veux continuer à faire tout ça, mais je ne veux plus continuer à le faire COMME ça.
 
Alors on fait quoi ? Eh bien déjà, on se repose ! Ordre du médecin : 3 semaines d’arrêt, minimum. J’ai de quoi faire ! Ensuite, on demande de l’aide (si ce n’est pas déjà fait) : à son réseau personnel mais aussi à des professionnels qui peuvent nous aider à y voir plus clair. Et surtout, surtout, on s’accompagne avec bienveillance.
Parce que mon problème à moi, c’est que comme dans tous les domaines de ma vie, je me suis dit que mon burnout, j’allais le prendre à bras le corps et m’en sortir en moins de temps qu’il ne faudrait pour dire ouf. Mais ça, encore, c’était en pensée… Car Bernard (nom que je viens d’inventer pour mon burnout… nous sommes devenus presque copains) a envoyé des messages partout dans ma tête et dans mon corps. Alors je n’ai pas eu d’autre choix que de lâcher prise et d’écouter mes petites voix intérieures (et elles sont nombreuses). J’ai fait ce que je voulais pendant des jours, aussi longtemps que nécessaire, en essayant de ne pas culpabiliser : manger ce que je veux, traîner en pyjama, lire, dormir, parler à des amis… Tout ce qui peut attendre attendra. J’ai remis en perspective la question d’urgence, j’ai frustré quelques personnes, j’ai remis à plus tard des choses que j’aurais pu faire tout de suite en me faisant un peu violence.
J’ai pris du temps à m’écouter et j’ai encore besoin parfois qu’on m’aide à tendre l’oreille. Mais je suis convaincue aujourd’hui que c’est la seule chose à faire.
On nous appris que dans la vie, on ne peut pas faire tout ce qu’on veut, mais au final, qui a dit ça ? Et pourquoi ?
 
Du moment que je respecte les lois et certaines conventions sociales, pourquoi je devrais m’empêcher d’être moi ? Pour faire plaisir à qui ? Rien ne vaut que je renonce à moi-même. Et s’il aura fallu un burnout pour m’en rendre compte, eh bien vive Bernard ! »
 

Laurence

2 septembre 2018.