neuropsychologue

Que la honte change de camp...

guérir honte
« Peu de gens savent combien on peut faire confiance à la discrétion des enfants pris de terreur. »
Charles Dickens

Quand le corps est trahi

Lorsque le corps humain a été volé, humilié, utilisé, brisé, il faut souvent entreprendre de longs pèlerinages intérieurs pour retrouver l’espace sacré en soi. Il devient alors nécessaire d’arracher, parfois de force, la honte crasseuse, coupable et tenace.
C’est le combat silencieux de toutes les personnes ayant connu les abus sexuels, les violences et les manipulations. Lorsque la vulnérabilité et l’isolement sont les terreaux de l’emprise — parfois avec des complicités — tout devient flou. L’expérience est alors marquée par la dissociation, le silence, et l’impossibilité à comprendre ce qui a été subi.

Le corps, mémoire vivante

Le corps n’est pas un objet que l’on pourrait simplement “réparer” après l’avoir abîmé. Il porte les traces de son histoire. Il garde l’empreinte de la solitude, du silence, et de l’horreur vécue.
À cela s’ajoute une double peine : cette culpabilité toxique, imposée en plus des sévices, qui condamne à vie celles et ceux qui n’ont pas su se protéger, dire non, ou appeler à l’aide.

La honte : alliée de l’agresseur

La honte protège celui qui agresse et condamne au silence les victimes. Elle les isole davantage encore.
Cependant, il est possible — avec courage et soutien — de récupérer ce corps meurtri. Il s’agit de lui redonner sa juste place, le droit de vivre, de respirer, d’éprouver du plaisir sans peur ni jugement. C’est un chemin difficile, mais nécessaire pour cesser de projeter de la salissure sur ce qu’il reste de beau et de vivant.

Il faut dire, hurler, à chaque occasion : non, il n’est pas normal de subir des abus. Quelles qu’en soient les formes, rien ne les justifie. Retrouver sa dignité est un acte intime et profondément humain.

« Quel courage il faut, à certains moments, pour choisir la vie. »
Henrik Ibsen

Sortir du chaos

Sortir du chaos demande des choix inspirés, parfois héroïques. Cela nécessite d’accepter de faire des efforts pour soi, prendre soin de ce corps qui attend depuis si longtemps.
Il s’agit aussi de reconnaître la douleur quand elle revient. Il ne faut pas lui en vouloir : elle témoigne simplement de ce qui a été traversé. Choisir des liens doux, s’entourer de bienveillance, et se rappeler que la honte et la peur sont de mauvaises conseillères.

Refuser l’inacceptable

Aucune négociation n’est possible avec l’intolérable jugement :

« Peut-être l’a-t-elle (il) cherché… Peut-être voulait-elle faire son intéressante… Ce n’est pas grand-chose… Il y a pire… »

Non. Il n’y a pas de hiérarchie dans l’horreur.
Ceux qui accusent d’indécence les victimes qui parlent doivent se poser une autre question :
De quel côté est l’indécence ? De quel côté est la sauvagerie ? Où devrait se trouver la honte ?

Prendre soin de la douleur d’enfance

Les douleurs d’enfance ne disparaissent pas avec le temps.
Elles restent intactes, figées dans le passé.
Elles n’ont pas la possibilité de grandir ni de mourir seules.

Alors, il faut :

  • Prendre la douleur,

  • La considérer,

  • La respecter,

  • La consoler.


Alexandra Legendri-Fauron
8 février 2021

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